🤹 [29/05/2024] Agile, faut qu'on parle
Chère Agile, mon amour, Voila, ça fait 8 ans qu'on se fréquente, 8 ans qu'on est ensemble, mais la je crois qu'il faut qu'on parle.
Je me rappelle quand je t'ai rencontré au 34 , y avait CTH et JVI qui m'expliquait qu'on allait bien ensemble, que ce serait chouette, qu'il était permis de rêver. C'était marrant bien qu'un peu gênant. En vrai, j'y croyais sans y croire, je me disais, " c'est sure, elle à l'air belle et sympa", mais j'ai eu suffisamment de fois le coeur brisé pour ne plus croire au compte de fée.
Méfiant et un peu désabusé, je savais que les vraies histoires d'amour se vivent à la fois dans les voyages et dans le quotidien le plus crasse. Les lumières, le maquillage et les belles paroles s'effacent si vite…
Et puis on a voyagé ensemble au ministère de l'intérieur sur un obscur projet de gestion informatique de migrants. Bon, raconté comme ça, ça a pas l'air super romantique. Mais tu vois on était 20 dev et on était bien ensemble. Au quotidien, on vivait l'aventure agile. Ton aventure. Tu te rappelles ? on prenait notre café face au kanban physique avec de véritable post-it qui collait mal ! On pouvait rester comme ça 15 min a se regarder droit dans les yeux. Et c'était bien.
J'étais nul et plutôt maladroit, mais les techleads nous ont bien aidé. Ils ont organisés des séances de mob-programming et j'ai appris ce qu'était le TDD avec toi. Tu me parlais d'excellence technique. Je pensais que c'était un rêve, tu t'es battue contre ce système capitaliste pourri pour nous montrer que rien n'était plus important que de prendre du temps ! Prendre du temps pour la qualité du code. Prendre du temps pour être fière de son travail. C'était fort ! Ça donnait un sens à notre histoire !
Agile, mon amour, tu me disais que notre couple ne pourrait fonctionner que si on était capable de vraiment communiquer. Communiquer de manière non violente, ça va de soi, mais communiquer sans arrière pensée, sans politique, en toute transparence et régulièrement. Et pour communiquer, ça on a communiqué ! Tous les 4 matins on refaisait le monde. Les daily, les Sprint Planning, les Démos de folies, et surtout, les Rétros. Ha les rétros !
Faut qu'on parle de tes fameuses rétros, c'est la je crois où tu m'a fais le plus craquer ! Attends, tu te souviens de cette fameuse rétro où la PO s'était mise à pleurer ? Et où dans la même heure - on s'est excusé et promis, tous ensemble d'améliorer les choses ! Plus que des promesses, on avait actés en séance les trucs qui feraient que plus jamais on serait triste ! Et cela avait marché ! Contre toute attente ! En 1h30 on s'était dit nos malheurs et on avait trouvé les moyens d'en sortir ! Tes rétros était des moments à sensation forte. Une vrais aventure ! Tes rétros étaient magiques, de véritables appareils à transformer la colère en espoir. N'y a t'il rien de plus fort ?
Agile, tu m'a fait comprendre que nos émotions n'étaient pas sales, qu'on étaient des êtres sensibles avant d'être des travailleurs. Je te remercierais jamais assez pour cela.
Notre histoire était belle, et on n'a vécu plein d'aventure, a XXXX, a YYYYY, a ZZZZ… Des que je penses a toi, pleins de belles images me revienne.
Et puis y en a eu de moins belles histoires. Et de plus en plus. Ça a commencé quand tu m'a parlé " d'agilité à l'échelle ". Au départ, j'étais super partant pour essayer ça. A XXXX et au ZZZZ c'était ça l'agilité à l'échelle ? Hun ? Et puis après tu m'a dit " non, c'est pas assez SAFe ", j'ai pas bien compris. Au fur et à mesure, tu as eu pleins de nouveaux potes dont je comprenais bien ce qu'ils faisaient là. Y avait les Product Manager, des products lead, des co-po, des business analystes, des experts en tous genres… J'ai l'impression que je devais te partager avec pleins de gens.
J'ai essayé de te dire non mais attends, " On est bien là juste entre développeurs et PO. Ça suffit, on a pas besoin de tous ces tocards pour être heureux ? " Là tu t'es fachés, tu m'a traité, de ringard. Apparemment on avait absolument besoin de ces gens qui ne connaissaient rien au code. Bon j'ai rien dit, mais j'étais pas bien.
Après, je voulais parler avec toi, mais tu m'a dit que tu n'avais pas le temps. Fallait que je cale un point dans l'agenda ! Je t'ai dis que je préférais attendre la rétro. Mais tu es pas venue. Je me suis sentie seule.
Un matin j'ai surpris un Scrum Master faire un tableau excel avec les jours hommes des développeurs. Il nous espionnait ! Quand je t'ai raconté tout ça furieux, tu m'a regardé et tu m'a dit qu'il fallait que je grandisse un peu, que dans notre monde adulte, il fallait absolument mettre les jours / hommes des développeurs dans des tableaux excel. J'étais abasourdi. L'Agile révolutionnaire que j'avais connu il y a quelques années n'aurait jamais dit ça. Je crois que j'ai pleuré ce matin-là.
Alors le temps est passé, nos discussions enflammées se sont mécanisées, se sont régulées, ce sont policées. Puis un jour, après une réunion, tu m'a dit " Thomas, tu peux pas dire ça ". Il y avait donc des choses à dire et des choses à taire. De jours en jours, les non-dits s'installait et murmuraient des " c'est comme ça ", " c'est obligé ", " c'est pas dans notre main ", " on peut rien faire de toute façons " .
Les ingénieurs, ces créatifs, ces codeurs-rêveurs, ceux qui pouvaient réparer le code - et donc réparer le monde entier - se sont spécialisés en soldat du jira. Il faut faire ce qui est écrit. Et tant pis si tu as pas parlé avec l'utilisateur final.
Les utilisateurs, c'étaient nos enfants. On s'était promis de tout faire pour eux ! Tout ! Tu te rappelles ? On avait juré d'être toujours auprès d'eux, tout près d'eux . On s'était juré de tout faire pour les rendre heureux.
Mais jours après jours, ils se sont éloignés. On leur a parlé à travers des tickets, de contrats, des " spécialistes-des-utilisateurs ", des " représentants-de-nos-enfants ", bref de gens qui n'ont jamais posé une ligne de code ! Aujourd'hui on ne voit presque plus nos enfants ! Agile, c'est pas eux qui sont partis ! C'est toi ! Je te l'ai dit, j'ai crié et tu n'as rien fait ! Ça je suis désolé, mais je ne te le pardonnerais jamais !
L'espoir que fabriquait la machine à rétro s'est éteint jours après jours. Aujourd'hui la machine est cassée.
Alors oui, après avoir regardé notre première lettre d'amour, j'ai repensé à mes ex, ceux que j'avais fréquenté avant toi. Oui c'est vrai,je l'assume, j'ai appelé XP et Lean pour savoir ce qu'ils devenaient. Tu sais quoi ? Quand je les eu au bout du fil, je n'entendais que ta voix. Ta voix de nos premiers jours. Ta voix que je ne retrouverais pas.
Voilà Agile, pour nous deux, je crois c'est mieux que je parte.